[LES TEXTES]
Un texte incitatif
La loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites prévoit la mise en place d’un compte prévention pénibilité pour tous les salariés du régime général et du régime agricole exposés à des facteurs de risques professionnels au-delà de certains seuils.
Les décrets publiés le 10 octobre 2014 déterminent ces seuils et les modalités d’alimentation du compte par des points qui permettront aux salariés concernés de financer une formation pour accéder à un emploi moins exposé à la pénibilité, une réduction du temps de travail avec compensation de la perte de salaire ou encore une anticipation de l’âge de départ à la retraite. Pas si facile à gérer pour les employeurs qui devront alors investir pour limiter la pénibilité.
Le dispositif est entré en vigueur le 1er janvier 2015 pour 4 des 10 facteurs de risques définis par la loi. Il prendra effet en 2016 pour 6 autres.
Source : Carsat Bretagne
[Des actions de long terme dans la marée]
Le choix des facteurs de risques priorisés pour 2015 résulte des négociations avec les partenaires sociaux. Peut-être la facilité d’évaluation de la pénibilité, notamment dans le cas du travail de nuit et du travail en équipe successives, a-t-elle aussi été prise en compte. Mais ne l’oublions pas, « dans le secteur des produits de la mer, l’une des premières sources de pénibilité est la manutention manuelle de charges », note Pierre-Yves Le Gall, contrôleur sécurité secteur agroalimentaire et commerce à la Carsat Bretagne. Tous les bacs de criée dépassent le seuil des 15 kg fixé par décret*. Toutes les opérations de tri, de palettisation et de dépalettisation sont concernées. Et l’on dépasse rapidement, sur un poste de manutention à réception, comme sur d’autres postes tels que la palettisation, où le poids unitaire des colis n’excède pas 10 kg, le seuil de 7,5 tonnes/jour plus de 120 jours/an.
N’en concluons pas pour autant à un quelconque retard des mareyeurs ou des transformateurs de produits de la mer par rapport aux autres secteurs de l’agroalimentaire. Les industries se sont beaucoup modernisées, sont devenues plus techniques, avec, par exemple, davantage de robotisation. La loi incitera à réduire encore la pénibilité, en favorisant la polyvalence en particulier.
Mais sur quels paramètres agir en premier lieu ? « Pour chaque facteur de risque, la prévention peut porter sur l’intensité et/ou la durée », répond l’expert. Les entreprises vont sans doute s’attaquer d’abord aux risques concernés par la loi dès cette année, autrement dit favoriser la polyvalence en jouant sur l’organisation du travail. Elles vont aussi certainement renforcer les protections individuelles contre le bruit et au regard des agents chimiques, comme les produits de nettoyage mais aussi, risque souvent moins pris en considération, les produits pulvérulents.
Elles ne pourront agir que dans un deuxième temps sur ce qui relève de la protection collective : équipements de manutention, réduction du poids des contenants, adaptations des méthodes (par exemple grâce à l’automatisation) afin de limiter le nombre d’opérations… « Nécessitant des modifications et du temps, même si elles n’exigent pas forcément des investissements coûteux, ce sont des actions à moyen, voire à long terme pour ce qui est des aménagements de postes », note Pierre-Yves Le Gall. Mais c’est celles-ci, pour leur caractère durable, qu’il convient d’encourager : baisser le niveau de bruit ambiant, par exemple, pour que le port de protections auditives, contraignant, ne soit plus nécessaire. L’organisation du travail offre aussi de nombreuses pistes, à l’instar des horaires, très matinaux dans l’agroalimentaire. Par exemple, commencer à 8 heures plutôt qu’à 5 heures, lorsque c’est possible, pourrait attirer plus de candidats vers ces métiers qui ont du mal à recruter.
Anne-Caroline RENARD
* Décret n° 2014-1 159 du 9 octobre 2014 relatif à l’exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité.
[Quelques seuils] Le travail de nuit : une heure de travail minimum entre minuit et 5 h du matin plus de 120 nuits par an. Travail en équipes successives alternantes impliquant au minimum une heure de travail entre minuit et 5 h du matin plus de 50 nuits par an. Travail répétitif : répétition d’un même geste à une cadence contrainte avec un temps de cycle défini pendant plus de 900 heures par an. Il faudra attendre 2016 pour connaître les seuils pour les manutentions de charges, les températures extrêmes, le bruit… |
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