Fait maison : une loi pour rien ?

Le 11/02/2015 à 15:05 par La Rédaction

[LES TEXTES, Une complexité qui déroute]

La question de la mention « fait maison » appartient à la section portant sur la « qualité et transparence dans l’élaboration des plats proposés dans le cadre d’une activité de restauration commerciale » du Code de la consommation. Le texte de référence est celui de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Son article premier définit la mention ainsi : « Un plat « fait maison » est élaboré sur place à partir de produits bruts. »
Pour connaître les modalités de mise en œuvre du « fait maison », il faut se référer au décret n° 2014-797 du 11 juillet 2014 relatif à ladite mention dans les établissements de restauration commerciale ou de vente à emporter de plats préparés. Ce décret entré en application le 15 juillet 2014 a vu son délai de mise en conformité expirer le 1er janvier 2015. Désormais nul professionnel n’est censé ignorer la loi.

 

 

 

[Définir un produit brut]

Du projet de loi de 2011 à l’entrée en vigueur du décret d’application, en juillet dernier, la loi sur le « fait maison » aura connu nombre de propositions d’amendement et suscité bien des oppositions et prises de position. Résultat : « Une loi très courte, où tout repose sur la notion de produit brut », note Jean-Paul Branlard. Son décret, court mais dense, avec trois articles, s’emploie à définir ce qu’est un produit brut et ce que signifie cuisiner sur place. Sans innover sur ce dernier point. « On se réfère à la législation régissant les termes « boulanger » et « boulangerie » et à la vente itinérante du pain. »
Ainsi, un plat « fait maison » peut être élaboré par le professionnel dans un lieu différent du lieu de vente ou de consommation, uniquement dans le cadre d’une activité de traiteur organisateur de réceptions ou de commerce non sédentaire (foires, marchés…). Pour autant, « une note de la DGCCRF avait autorisé les charcutiers travaillant dans un laboratoire central à livrer jusqu’à cinq de leurs points de vente en conservant l’appellation « charcuterie maison », rappelle Jean-Paul Branlard. Le décret sur le « fait maison » est donc en retrait sur ce point. Il l’est aussi sur de nombreux produits par rapport à l’ancienne jurisprudence. »
Le produit brut, quant à lui, est défini comme « un produit alimentaire n’ayant subi aucune modification importante, y compris par chauffage, marinage, assemblage ou une combinaison de ces procédés. » Cependant, il peut être réceptionné déjà épluché – à l’exception des pommes de terre –, pelé, tranché, coupé, découpé, haché, nettoyé, désossé, dépouillé, décortiqué, taillé, moulu, broyé ; fumé, salé ; réfrigéré, congelé, conditionné sous vide.
Par ailleurs, une longue liste de produits non bruts peut intégrer les plats « fait maison », à l’instar des fromages, salaisons, saurisseries, charcuteries, pâtes… Et c’est là que le bât blesse. Exemple : jusqu’alors, présenter une tarte « maison » fabriquée à base d’une pâte feuilletée crue achetée à l’extérieur constituait une tromperie. « Ce n’est désormais plus le cas », démontre Jean-Paul Branlard dans son dernier ouvrage. (1)
La liste des produits transformés pouvant être utilisés peut s’allonger si la marque qui les a fabriqués est expressément indiquée. In fine, cela risque d’embrouiller davantage l’esprit du consommateur, qui amalgame « fait maison » et cuisine à base de produits frais. Or, « la loi porte sur la transformation, non sur le mode de conservation, insiste Jean-Paul Branlard qui conclut : Le « fait maison » est une tempête dans un verre d’eau. La réglementation est aussi compliquée que les fausses idées que l’on s’en fait. »

Anne-Caroline RENARD

(1) La table & le droit - Décisions de justice gourmandes : 50 commentaires,
Ed. LexisNexis, Collection Les Beaux livres, 2014

 

 

[Gare aux tromperies]

Indiquer qu’un plat est « fait maison » alors qu’il ne l’est pas constitue une tromperie. En tant que telle, la sanction encourue est de deux ans d’emprisonnement au plus et/ou d’une amende de 300 000 euros selon l’article L213-1 du Code de la consommation modifié par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 – art. 131. « L’amende est multipliée par cinq lorsque l’infraction est imputable à une personne morale – le restaurant étant, par exemple, propriété d’une SARL », ajoute Jean-Paul Branlard, maître de conférences en droit de l’alimentation à l’université Paris-sud XI.
Omettre intentionnellement la mention « fait maison » pour des plats qui ont droit à ce label pourrait faire l’objet d’une sanction. « Pour l’heure, elle est douteuse (affaire à suivre…). »

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