Huîtres : les déguster, les médailler

Le 31/12/2019 à 16:40 par La Rédaction

 

Savez-vous manger les huîtres ? Pas les gober, non. Apprécier l’aspect, goûter le jus, humer les flaveurs, sentir la mise en bouche, percevoir le croquant, reconnaître les saveurs, déceler la persistance… Et décrire tout cela avec les mots justes. Immersion dans une formation à la dégustation d’huîtres, par l’Inao, auprès de futurs jurés du Concours général agricole.

 

Concours général agricole (CGA)

: Salon international agricole à Paris Expo, porte de Versailles

Quand : 24 février 2020 pour les huîtres (salon du 22 février au 1er mars)

Quoi : huîtres nées et élevées en France, des creuses n° 3 et des plates n° 1

Qui : quatre à cinq jurés par table

Comment : six critères sur la creuse, huit sur la plate

S’inscrire :
www.concours-general-agricole.fr/devenir-jure/

 

« Ne me dites pas qu’elles sont iodées ! » Bon, il va falloir enrichir notre vocabulaire. Nous sommes là pour ça. Ce 8 novembre, Thierry Fabian, inspecteur à l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité), forme à la dégustation des huîtres de futurs jurés du Concours général agricole.

Ils sont juriste, cuisinier, apicultrice, ingénieure agronome, graphiste, retraités et même ostréiculteur. D’Étel, Ré, Oléron, Trégastel, Bordeaux, Tours, Paris, Metz… Il y a des habitués du concours : ils ont testé rhum, vin, cidre, poiré, bière, miel, beurre, charcuterie, huile d’olive. Et huîtres déjà pour Antoine, Chris, « toujours une bourriche au frigo » et Jacky, un Savoyard, « raide dingue des huîtres quelle que soit l’heure ! ».

Première étape, l’ouverture, « une heure avant consommation », conseille Thierry Fabian. Chacun tâtonne le côté de son huître de la pointe de la lame, l’insère entre les valves « sans forcer » et libère le muscle. L’écaille sur l’encoche glisse avec l’eau de mer, jetée. L’option arrière : le couteau fait levier dans le crochet et clac !, plus qu’à racler le haut jusqu’au pied. « Mais il faut y aller plus en force, avec le risque d’introduire de la vase. » La coquille est marquée par son milieu d’élevage : couleur, stries (serrées pour une pousse lente), algues, balanes. À l’intérieur, la nacre peut présenter des tâches ou des chambres. Ces cavités, formées par des vers, dégagent une odeur repoussante si on les perce. Une chair sèche révèle un stockage trop long ou non à plat.

Anatomie du mollusque. Le muscle ou pied, « équivalent de la noix de saint-jacques », blanc et vitreux, trop négligé comme le sot-l’y-laisse du poulet, est sucré. Les deux lames des branchies ont une texture tendre et nerveuse. Dessous, le triple manteau, épousant la coquille, sert à secréter la dentelle, percevoir (il se rétracte au toucher), réguler l’entrée d’eau, respirer et accumuler des réserves. Il grossit et se colore avec la chair et arbore de beaux liserés sombres, voire des dessins. Séquence émotion : le cœur se gonfle, sous le muscle, à l’opposé de l’anus. Près du crochet, les quatre palpes labiaux rabattent le plancton vers la bouche. Enfin, la masse viscérale, blanche, crémeuse, sert à la fois d’appareil digestif et reproducteur, remplie de gamètes ou de chair selon la saison. La poche de laitance est peu prisée et se sent surtout sur les huîtres maigres.

Place à l’odeur : fumet d’algues, embruns, poisson, crevette, voire de vase, marée basse, allant de l’argile à l’œuf pourri. Puis à la liqueur, eau relarguée par l’huître : trop salée, elle chasse l’acidité donc la fraîcheur et mieux vaut la jeter. Les charnues ont moins de jus… mais mettent l’eau à la bouche !

Bonne nouvelle, contrairement au vin, on ne crache pas. À la mise en bouche, on sent la minéralité, et l’huître grasse s’étale, onctueuse. Nous guettons les cinq saveurs, dont l’umami, et les perceptions trigéminales (physiques) :   excitation des papilles, astringence, sensations métalliques…

En mastiquant, les organes se distinguent : le muscle fibré et sucré ; le manteau caoutchouteux, élastique ou croquant ; la masse viscérale soyeuse, comme du foie. Guy décèle un côté « saumon : marin, gras, charnu ». François est « ébloui par une saveur fruitée ». « Le melon revient souvent, explique Thierry Fabian. Ou le concombre, salé et végétal. Ou l’avocat, plus gras. » Reste la persistance : goût d’oxydation évoquant l’épinard, amertume des composés phénoliques du manteau, velouté résiduel… Entre deux huîtres, mâcher un grain de café remet le palet à zéro. La plate s’avère acide, amère, métallique. C’était pourtant « la reine des huîtres », se souvient François ; « explosive, avec un côté noisette, les enfants en raffolaient », se remémore Odile. Celle-ci semble trop jeune.

Comme au concours, quatre par quatre, chacun note les critères : extérieur et intérieur de la coquille, aspect de la chair, nez, goût, longueur en bouche. Et sur la plate, attache du muscle et croquant de la chair. « Étalonnez vos grilles ensemble avec la première, dégustez seuls les 5, 6, 7 huîtres suivantes et confrontez vos avis, en argumentant. » Nos cinq tables s’accordent de mieux en mieux pour attribuer des médailles. Parmi les préférées : une spéciale de Viking Marée et la Boulan d’Arcachon affinée dans le Médoc. Mais difficile d’associer goûts et « merroirs ». « L’ostréiculture doit renforcer ce lien aux territoires », estime Thierry Fabian, déplorant le transport entre bassins. « On a des huîtres de camion ! »
Entre deux assiettes, il nous parle élevage, économie, dénominations, consommation… Il s’agit aussi de lancer une culture collective de l’huître. « On est aux premiers âges de la dégustation, il n’y a pas de vocabulaire commun, d’échanges avec les producteurs, comme dans le vin. Mais l’attente est là. » 

Textes et photos : Solène LE ROUX

 

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