L’avenir est à l’aquaculture

Le 21/05/2015 à 15:01 par La Rédaction

« Laisser à l’animal la possibilité d’exprimer
ses performances biologiques de la meilleure des manières,
afin d’en tirer profit en tant qu’éleveur. »

Jean-Paul Blancheton, Laboratoire adaptation et adaptabilités
des animaux et des systèmes - Ifremer de Palavas

 

« Plus de la moitié des poissons consommée dans le monde est issue de l’aquaculture. Bientôt ce sera plus », prédit Denis Coves, de l’Ifremer. Si en Europe le regard se porte sur le saumon de Norvège ou du Chili, le bar ou la dorade de Grèce et de Turquie, la Chine alimente une grande partie de la planète avec des carpes. Mais l’avenir de l’aquaculture passe, selon les spécialistes par l’innovation. Parfois technique et invisible, comme « les systèmes à recirculation d’eau pour développer des installations, à terre ou en mer, dans lesquels la Norvège investit », ou par une innovation plus visible : la domestication de nouvelles espèces, pas toujours si faciles à introduire dans les assiettes des consommateurs. Pour réussir, « l’espèce doit être connue, un marché doit préexister ou estimé porteur et durable, analyse son collègue Jean-Paul Blancheton. Créer du savoir et du savoir-faire pour gérer une nouvelle espèce est long et coûteux ».

 

 

[Deux exemples]

L’ombrine
L’Ifremer a accompagné le développement de l’élevage de l’ombrine en outre-mer. La production progresse doucement en Martinique, Guadeloupe et à Mayotte. Les tonnages sont évalués à 200/250 t. Le cycle est totalement maîtrisé, mais pour assurer des gains de productivité et la rentabilité, la filière a besoin d’être consolidée. Le marché, d’abord local, s’élargit. L’ombrine a fait ses débuts en Italie.


Le maigre
Après des essais en Italie, l’Ifremer a accompagné les premiers pas du maigre en France dans les années quatre-vingt-dix. Proche du bar et de la dorade, le maigre est élevé dans le sud, dans des conditions similaires. L’espèce intéressante pour son potentiel de croissance n’a pas encore trouvé de vrais débouchés. Ce gros poisson, qui peut être transformé, subit aussi la concurrence du maigre sauvage. La production piscicole varie, bon an mal an, de 150 à 500 t depuis 10 ans.

 

Zootechnie, physiologie, nutrition, expertise qualité, transformation… L’Ifremer se penche sur tous les aspects du process, validant les systèmes d’élevage, les conditions environnementales, les conditions de reproduction aussi bien en termes de température d’eau que de lumière ou de salinité. Pour réussir, «la filière doit être rentable, de la recherche à la production ».

Pas si simple, comme l’exemple du cabillaud le révèle. La filière d’élevage naissante s’est écroulée avec le retour des stocks de cabillaud sauvage. Les efforts de recherche servent désormais à ceux qui tentent l’aventure du grossissement en cage pour lisser les apports de frais. Le thon rouge et l’anguille s’avèrent eux aussi être des candidats au grossissement plutôt qu’à des modes d’élevage créés ex nihilo. Les espèces susceptibles d’être « rentables » sont des espèces qui grandissent vite, se reproduisent facilement. L’Égypte, grand producteur de tilapia, s’intéresse à ces poissons « lapins » (mulet, saupe…) omnivores. « Le pari pour la recherche est d’introduire dans leur alimentation des ingrédients autres que les protéines et huiles de poisson, dont les sources sont limitées ». Les pistes de recherche ?

Les extraits de végétaux terrestres en sont une, à condition de ne pas venir en concurrence avec l’alimentation humaine. L’usage de coproduits ou de végétaux marins en est une autre. Leur intérêt ? « Les éléments sont déjà chargés en acides gras polyinsaturés. Mais encore faut-il mettre au point des modes de production de masse. Élever des algues marines exige des nutriments, tels l’azote et le phosphore, très présents dans les rejets de l’industrie. À nous de mettre au point des synergies. » Et de trouver des espaces.

Car sans espace pas d’aquaculture du futur. « Elle ne peut se développer que des zones non convoitées par d’autres activités, avec des systèmes recirculés à terre et en mer, loin des côtes. » Pour tenter d’optimiser les modes de production, l’Ifremer étudie les systèmes intégrés multitrophiques, cherchant la meilleure association de cultures entre les poissons, les algues, les mollusques et les crustacés. « C’est une tendance de fond. Israël a effectué beaucoup d’essais et la Chine réalise des séries d’association, entre production aquacole et terrestre, de type poulet, cochon, crevette, algue, tortue. Là encore, il existe de nombreuses synergies à dégager ». Et beaucoup de recherches à mener.

Dominique GUILLOT

 

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