[ LES TEXTES ]
La qualité de vie au travail
Le chapitre II de la loi n° 2016-1 088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels porte sur l’adaptation du droit du travail à l’ère numérique.
Son article 55 modifie l’article L. 2242-8 du Code du travail pour les entreprises de plus de 50 salariés.
Ce dernier touche aux questions de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes, et sur la qualité de vie au travail. Désormais il faudra négocier « les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion » et « la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques ». Objectif : assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que la vie personnelle et familiale. À défaut d’accord d’entreprise, l’employeur doit élaborer une charte après avis du comité d’entreprise, ou, à défaut, des délégués du personnel.
Source : loi n° 2016-1 088 du 8 août 2016 relative au travail,à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, Code du travail.
[ Une première mondiale ]
Au milieu des levées de boucliers contre la loi El Khomri, notamment sur les accords sur le temps de travail, les mesures d’adaptation du droit du travail à l’ère numérique n’ont guère suscité d’intérêt. Pourtant, il en est une qui fait de la France un pionnier : le droit à la déconnexion. Cette disposition, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, semble avoir été davantage saluée à l’étranger que dans l’Hexagone. De fait, l’impact de l’hyperconnectivité sur la santé des salariés pose question. Nombreuses sont les études qui révèlent qu’en abolissant les frontières entre vie privée et vie professionnelle, ordinateurs portables, smartphones et tablettes seraient sources de stress.
Déjà en 2012, une enquête de la Chartered Society of Physiotherapy (CSP) montrait que les deux tiers des salariés britanniques continuent à travailler sur leurs smartphones ou d’autres objets connectés après avoir quitté leur bureau, prolongeant leur journée de plus de 2 heures en moyenne. « Avec pour conséquences des douleurs dorsales, des maux de tête et autres pathologies liées au stress et aux mauvaises postures devant les écrans », alertait Helena Johnson, porte-parole de la CSP. L’Allemagne, en 2014, s’est aussi penchée sur la question. La même année, en France, un sondage de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) révélait qu’un tiers d'entre eux se déconnectent rarement voire jamais en dehors de leur temps de travail, tout en étant conscients des avantages, mais aussi des inconvénients, du « tout connecté » sur leur vie privée et leur qualité de vie.
En septembre 2015, le rapport « Transformation numérique et vie au travail » remis par Bruno Mettling, alors DRH d’Orange, à la ministre du Travail, identifiait les impacts majeurs du numérique sur le travail et formulait 36 préconisations pour accompagner cette transformation.
Ce document a inspiré le chapitre II de la loi Travail, qui comporte, outre le droit à la déconnexion, d’autres dispositions en matière de questions numériques : accessibilité, télétravail, élections professionnelles, compte personnel d’activité, économie collaborative… Dans la pratique, toutefois, le texte reste flou.
Si l’entreprise a une obligation de résultat en matière de santé et de sécurité des salariés, domaine dont relève désormais le droit à la déconnexion, les attentes ne sont pas si simples. « Les actifs apprécient la souplesse d’utilisation des outils numériques. Mais ils attendent que leur entreprise en régule l’usage : ils disent oui au droit à la déconnexion, non à l’impossibilité de se connecter », résume Xavier Alas Luquetas, dirigeant-fondateur du cabinet Éléas, spécialiste de la qualité de vie au travail et des risques psychosociaux.
Faut-il donc couper les serveurs et interdire l’usage des smartphones professionnels en dehors des horaires de travail ? Pas si sûr. Si certains grands groupes ont testé ces solutions, chaque entreprise est un cas spécifique. Et pour beaucoup, la question reste posée : comment appliquer la loi ?
Anne-Caroline RENARD
[ Vous avez dit raisonnable ? ] La charte élaborée par l’employeur à défaut d’accord d’entreprise doit définir les modalités d’application du droit à la déconnexion. Elle doit aussi prévoir, à destination des salariés, du personnel d’encadrement et de la direction, des actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. Reste à définir la notion de raisonnable. Source : loi n° 2016-1 088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social
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