Spécialiste de la valorisation de coproduits de poisson en farines et huiles pour l’alimentation animale, la société Bioceval, sur son site allemand, est doublée de Lipromar pour des débouchés à haute valeur. Comme les capsules d’huiles produites avec son partenaire Nutrilo. Lipromar va plus loin avec le retour de l’huile de poisson en cuisine. Et c’est bon !
Mais pas si simple de lancer ce produit, à la fois ancestral et novateur….
Bioceval-Lipromar Groupe : Bioceval est une filiale de la Saria spécialisée dans le recyclage des sous-produits animaux et déchets organiques. Bioceval en Europe : Effectif : 65 salariés à Bioceval Volumes : Bioceval traite 100 000 tonnes Marché : Bioceval, plus de 50 % à l’export, notamment aquaculture méditerranéenne et pet-food en Europe. Lipromar,
Andreas Wohltmann, responsable R&D de Bioceval Lipromar, à 63 ans, apprécie toujours autant « créer de nouveaux produits et les emmener jusqu’au marché. Après la mise en œuvre opérationnelle, il faut beaucoup de marketing. » |
Les anciens se souviennent des cuillerées d’huile de foie de morue reçues enfants, qui soulèvent le cœur. C’était alors pour sa vitamine D, contre le rachitisme. Aujourd’hui, l’huile de poisson est consommée pour ses acides oméga-3, sous forme de capsules, sans goût ni odeur. Lipromar, créée par Bioceval à Cuxhaven (Allemagne), extrait ainsi de l’huile encapsulée par son partenaire Nutrilo. Et parie sur le retour de l’huile de poisson en cuisine. On a testé… et ça vaut le coup de dépasser ses aprioris. Ce produit sort Bioceval de ses activités de base. L’entreprise collecte des coproduits de ressources marines et les transforme en huiles et farines pour l’alimentation animale. « Les coproduits viennent des pôles halieutiques de Bremerhaven et Cuxhaven, et des Pays-Bas, de Belgique, de Pologne, du Danemark, de Croatie, d’Islande, de Norvège… », liste le directeur, Bodo von Holten. De pêche (colin d’Alaska, sébaste, plie, hareng…) ou d'aquaculture (truite, saumon…), mais de qualité et sans mélange pour sortir des produits purs. Les débouchés ont évolué. « Au départ, on fournissait des aliments pour porcs et volailles, mais la farine de poisson est deux fois plus chère que la végétale, on a arrêté, sauf pour les porcelets », raconte Andreas Wohltmann, responsable R&D. L’entreprise s’est tournée vers l’aliment aquacole et le pet-food, marchés en progression. « Des fabricants nous demandent des farines certifiées MSC. » L’entreprise garantit des farines et huiles MSC depuis 2009 (cabillaud, lieu noir, hareng) et ASC depuis 2015 (saumon, truite, crevette). La matière première de qualité alimentaire part à l’usine Lipromar construite en 2015, approvisionnée en frais jusqu’à deux fois par jour : à 90-95 % du saumon Atlantique. Les produits visent l’alimentation humaine : protéines, arômes, additifs, ingrédients… Ces marchés sont explorés par Andreas Wohltmann, arrivé en 2012 pour créer le département R&D. Il s’entoure d’étudiants et coopère avec des instituts. Il a lancé la poudre de protéines de saumon en 2015, et la saucisse de chair de saumon, « mais le marché allemand n’en est pas friand ». Ou encore du collagène pour la cosmétique à partir de peau de saumon, « mais nous ne pouvions pas rivaliser avec le prix du collagène issu de carpe ou tilapia ». En revanche, la capsule d’huile est un succès. Le marché mondial de ce complément alimentaire croît vite, avec des huiles de thon au fort taux de DHA (acide docosahexaénoique), destinées aux femmes enceintes et nourrissons ; et un plus gros marché, avec un équilibre 80/20 entre EPA (acide eicosapentaénoique) et DHA, pour supplémenter les sportifs et seniors. « L’humain ne crée qu’en petite quantité ces oméga-3, essentiels au métabolisme, et cette faculté diminue avec l’âge. » Les capsules classiques mélangent des huiles, concentrées et traitées. « Le procédé industriel avec désodorisation, chauffage, détruit des oligo-éléments bénéfiques et fabrique des composés néfastes, déplore le biologiste. Souvent, un goût rance remonte. » Lipromar a donc proposé à son voisin, Nutrilo, de réaliser des capsules d’huiles pures : un mélange 50/50 de cabillaud, pour son fort taux d’EPA et DHA, et de saumon, pour sa couleur orange due à l’astaxanthine. « Cette capsule d’huile véritable, sans additif ni transformation, est deux fois moins riche en EPA et DHA que la classique, mais c’est comme un vrai morceau de poisson, argumente Jörg Pallentin, directeur de Nutrilo. Mieux vaut prendre deux capsules d’huile pure qu’une seule dénaturée. » Une fois le produit au point, sa stabilité a été testée sur deux ans. Il est vendu depuis deux ans sous les marques Purafit et Cuxan-Ω. « C’est un succès », se félicite Jörg Pallentin. Lipromar vise un public plus large avec l’huile en bouteille. Un produit économique, car l’encapsulage revient cher. Écologique : l’huile de saumon, bio et ASC, ne provient que de coproduits. Et plus sain : pas besoin de séchage. « Toutes les qualités naturelles de l’huile sont préservées : antioxydants, vitamines, couleur, s’enthousiasme Andreas Wohltmann. Ça combine la santé et le goût. » L’huile se décline en versions nature, citron, ail et Méditerranée (aux herbes aromatiques), avec des aromates naturels. De quoi relever poissons, crevettes, salades, sauces… Malgré ces atouts, le lancement n’est pas simple. Une production a débuté en 2016, « mais nous avons du mal à trouver des distributeurs. Ce produit désappointe. » L’entreprise réinvente donc ses circuits de distribution, du B to B au B to C. « Nous avons un peu de vente dans une boutique à Cuxhaven, mais c’est trop peu. Nous revoyons notre stratégie : nom, design, vente par internet… » Avec certainement plus de salons. « Les gens, d’abord sceptiques, sont convaincus quand on peut expliquer ce produit et qu’ils le goûtent. » Premier marché visé, l’Allemagne, mais l’export offre du potentiel. « La cuisine asiatique utilise l’huile de poisson. Elle a ses produits, mais on a une chance, avec une image de qualité. On avait un contrat, mais il faut que l’huile de saumon soit ajoutée aux produits autorisés vers la Chine, la procédure est en cours. » Autre piste : « La Russie pourrait prendre de plus grandes contenances. Mais c’est un marché difficile d’accès. » En tout cas, on ne trouve pas l’huile de saumon aromatisée en France. Dommage, elle aurait eu sa chance aux Coups de cœur de l’innovation ! Reportage : Solène LE ROUX
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