Maîtriser la mytiliculture en mer ouverte exige du talent et de la modestie face aux éléments. Meskler Treger s’y emploie sur une concession de 18,5 ha en baie de Lannion. Les clients se donnent le mot : le produit est à la hauteur.
Meskler Treguer Siège : Plouaret Chef d’exploitation : Effectif : 4 temps pleins Chiffre d’affaires : 350 K€ Production : 200 tonnes www.mouledelocquemeau.fr |
À l’ouvert de l’estuaire du Yaudet, entre les granits roses de l’île Millau et les schistes sombres de Locquémeau, poussent les moules de Jean-Yvon Coatanlem. Pas n’importe quelles moules, car la qualité du milieu et le travail à bord du bateau-atelier ont fait la réputation de Meskler Treger, en breton, « pêcheur de coquillages ». « La zone offre un bon compromis entre la qualité des eaux du large et l’apport de la rivière de Lannion. Ce brassage favorise la richesse en plancton et la concession est classée en A. L’idéal ensuite est de trouver la bonne biomasse au mètre linéaire », explique le mytiliculteur qui assure un suivi rigoureux de son exploitation. À la fois pour optimiser la croissance des bivalves et surveiller les structures ancrées sur des fonds d’une douzaine de mètres aux plus forts coefficients. Très exposées à la mer du large, les filières sont immergées à 4 mètres de la surface pour résister aux houles d’ouest. « Le plateau rocheux du Taureau n’offre qu’une relative protection à basse mer et même en été, certains jours, je ne peux pas travailler », admet Jean-Yvon Coatanlem. Rompu aux tâches en mer, l’ex-conducteur de travaux maritimes a longuement préparé son projet. D’abord pour apprendre un nouveau métier : « Je me suis formé et j’ai visité de nombreux collègues avec lesquels j’échange techniquement aujourd’hui. Voyagé aussi, pour découvrir d’autres systèmes de production. Grâce à quoi je teste différentes techniques de cultures en suspension. » Avant d’en arriver là, il a fallu aussi convaincre d’installer un parc de filières sur un site vierge. À force de pédagogie et de diplomatie avec les pêcheurs et les plaisanciers locaux, le projet se concrétise deux ans plus tard. L’appui de la commune de Locquémeau, qui voit là une activité maritime à l’année et plusieurs emplois à la clé, pèsera favorablement dans la balance. « L’entreprise amène aussi du monde sur le port grâce à la vente directe », ajoute l’exploitant, qui a réalisé sa première récolte en 2010. Lui et ses trois matelots produisent maintenant 200 tonnes sur la concession de 18,5 ha. Raisonné et raisonnable, Jean-Yvon Coatanlem précise : « J’ai commencé doucement pour valider le système. Maintenant l’entreprise se développe. » Les résultats sont là : charnu à souhait et de belle taille, le produit a rapidement trouvé sa clientèle auprès des poissonniers, des ostréiculteurs des environs, des grossistes spécialisés et des grandes surfaces (Intermarché, Système U) en Bretagne. L’entreprise met en avant deux produits : la gallo de printemps et l’edulis d’été. La première est captée dans la baie, mise en culture en mai-juin pour être pêchée l’année suivante à partir de fin mars. « Je garde un petit stock de gallo au printemps pour fournir de la moule à farcir de grande taille. » Captée en Atlantique, la seconde espèce arrive sur le parc en mai-juin et atteint sa taille commerciale un an plus tard. Dépassant facilement les 4 cm, le bivalve franchit allègrement les 30 % de chair sur les cordes en pleine mer. Plein soleil et fort coefficient en ce matin d’octobre, La Confiance 2, le bien-nommé navire-atelier de Meskler Treger débarque les premières pêches du jour en haut de la cale de Locquémeau. La camionnette de Top Atlantique vient de prendre livraison et un ostréiculteur de la baie de Morlaix prend le relais pour compléter son offre de coquillages. « La récolte journalière dépend uniquement des commandes. Pas plus, pas moins car il n’y a pas de stockage tampon à terre. La saison devrait se prolonger jusqu’à fin novembre, conséquence d’un arrêt de trois semaines en juillet à cause du dinophysis. Dans le cadre du réseau de surveillance du phytoplancton, l’Ifremer nous charge des prélèvements. Aujourd’hui, on profite des bonnes conditions météo et le produit est mieux de sa forme. » Les moules récoltées à bord de La Confiance 2 passent immédiatement sur la ligne de production : brossage, calibrage, tri et conditionnement en sacs ou en vrac. Meskler Treger a démarré cette année le conditionnement en barquettes avec un prestataire. « C’est la meilleure solution dans l’immédiat pour répondre à une demande spécifique », signale le responsable, qui passe rapidement de la passerelle à la table de tri entre deux coups de téléphone. À terre, un vendeur à temps partiel participe à la prise de commande et assure trois fois par semaine la vente directe sous la halle du port. Dans tous les cas, il y a du monde au portillon. Cerise sur le gâteau, la moule de la baie de Lannion est certifiée biologique depuis trois ans. C’est un atout commercial aux yeux de certains clients mais pas seulement. Le logo sert aussi à rappeler qu’il n’y a pas plus biologique que l’élevage de coquillage.
Textes et photos : Bruno VAUDOUR |
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