La situation inédite provoquée par la pandémie de Covid-19 a eu des répercussions importantes sur toutes les filières, y compris celle des produits de la mer. Parmi les problématiques rencontrées : des difficultés logistiques, des contraintes de production et des retards de livraison, ayant parfois donné lieu à l’application de pénalités. Alors, justifiées ou pas ? « Tout retard de livraison ou rupture d’approvisionnement qui pourrait résulter de ces circonstances exceptionnelles, ne devrait pas donner lieu à l’application de pénalités. En effet, ces circonstances échappent totalement au contrôle des entreprises, qui restent tributaires de la situation », insiste l’Association nationale des industries alimentaires (Ania).
Force majeure ou imprévision
Sur un plan juridique, l’article 1218 du Code civil définit la force majeure comme un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement anticipé lors de la conclusion du contrat et dont aucune mesure ne pouvait limiter les effets. Dans ce cas, la non-exécution des obligations contractuelles ne peut pas être sanctionnée par l’autre partie. Si l’empêchement est définitif, le débiteur est libéré de son obligation (article 1351 du Code civil). La notion d’imprévision, définie à l’article 1195 du Code civil, qualifie un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat et permet de le renégocier. Pour autant « force majeure » et « imprévision » ne sont pas des règles d’ordre public. Elles sont parfois exclues par contrat. À noter que l’article L.442-1 du Code de commerce permet de contester cette exclusion sur le fondement d’un déséquilibre contractuel significatif. À noter aussi : l’exigence de bonne foi s’applique à toutes les phases de la relation contractuelle, de la négociation à l’exécution (article 1104 du Code civil). Le refus de renégocier peut caractériser la mauvaise foi, selon les circonstances. La recommandation de la CEPC n° 19-1, approuvée par toutes les enseignes, considère que certaines circonstances externes au fournisseur et au distributeur ne remplissant pas les conditions de la force majeure et perturbant les livraisons peuvent constituer des causes d’exonération de pénalités.
Suspension des clauses pénales
Sont venues s’ajouter à ces textes existants de nouvelles dispositions juridiques. L’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020, modifiée par l’ordonnance 2020-427 du 15 avril 2020 puis par l’ordonnance 2020-560 du 13 mai 2020 organise la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et prévoit la suspension des clauses pénales (voir encadré).
Concrètement, la période d’urgence sanitaire juridiquement protégée court du 12 mars au 23 juin inclus (soit trois mois et onze jours). Et ce, même si la loi du 11 mai 2020 (loi n° 2020-546) a fixé la fin de l’état d’urgence sanitaire au 10 juillet inclus.
Fanny ROUSSELIN-ROUSVOAL
Pour calculer, à vos calendriers ! |
Pour savoir à partir de quand les pénalités reprennent leur cours, il faut avoir tout un calendrier en tête ! Nicolas Genty, avocat du cabinet Loi & Stratégies, donne des exemples : 1. En cas de retard de livraison ou toute autre inexécution contractuelle, pour laquelle une pénalité a commencé à courir avant le 12 mars, son cours est suspendu pendant la période protégée et reprendra le 24 juin si l’obligation n’a toujours pas été exécutée à cette date. 2. Si l’obligation devait être exécutée entre le 12 mars et le 23 juin, tout dépend de la date de « naissance » de l’obligation. Si elle est née avant le 12 mars, la pénalité ne prendra effet qu’à l’issue d’une période démarrant le 23 juin et sera égale au temps écoulé entre le 12 mars et la date de livraison initialement prévue. Si l’obligation est née après le 12 mars (par ex. commande passée le 1er avril devant être livrée le 30 avril), le délai est reporté de 29 jours (délai entre le 1er et le 29 avril), et court à compter du 23 juin. Il prend donc fin le 22 juillet, les pénalités commençant à courir le 23 juillet. 3. Si l’obligation (autre qu'un paiement) devait être exécutée après le 23 juin (par ex. commande passée avant le 12 mars, devant être livrée le 23 juin 2020), la clause pénale ne prendra effet qu’à une date reportée d’une durée égale à la période protégée (soit trois mois et onze jours), à compter du 26 juin. Les pénalités ne commenceront à courir que le 8 octobre 2020, si le débiteur ne s’est toujours pas exécuté à cette date. Si l’obligation est née pendant la période protégée (par ex. commande passée le 1er juin, devant être livrée le 26 juin), la clause pénale ne prendra effet qu’à une date reportée de 22 jours (soit le nombre de jours entre le 1er et le 23 juin), à compter du 26 juin. C’est-à-dire que la clause pénale produira ses effets le 19 juillet. |