Une filière du poisson vivant émerge en Bretagne. Depuis Lorient, la jeune société Étoiles & Mer assure sa diffusion de plus en plus large auprès des chefs étoilés.
Étoiles & Mer Poissons et crustacés vivants Siège : Lorient Chiffre d’affaires : 06 60 70 76 64 |
Mardi 20 février, 14 heures. Le Belen, navire polyvalent de 10 mètres, accoste le long des quais de Quiberon. Gwendal Le Roux et son collègue Alan Le Gurun ont embarqué à Houat le matin à 2 heures. Avant de retourner sur leur « caillou », ils livrent ici du divers en caisses de marée, deux caisses de bar ikejime qu’ils ont traité eux-mêmes à bord et une douzaine d’autres poissons vivants conservés dans le vivier embarqué. « Nos palangres traînent pendant une douzaine d’heures maximum. Quand nous les virons, nous choisissons ce que nous faisons avec le poisson selon son état : noyé, un peu vif ou très vif », précise le jeune patron de 26 ans, convaincu que le poisson vivant et l’ikejime représentent « l’avenir ». À terre, deux piliers de la filière locale du poisson vivant les attendent : Alexandre Lebrun, directeur de la criée, et Sébastien Fauchille, dirigeant et fondateur d’Étoiles & Mer. Aujourd’hui, le poisson vivant passera directement dans le camion de ce dernier. Mais cette opération de gré à gré sera comptabilisée dans les flux de la criée et toutes les taxes afférentes seront calculées. Car généralement, les navires qui alimentent cette filière spécifique déposent leurs prises dans les viviers de la criée, installés par Alexandre Lebrun après son arrivée en 2015. « J’avais le désir de favoriser un circuit ultracourt sur le poisson vivant comme il en existe sur les crustacés, explique-t-il. La poissonnerie parisienne Ebisu, tenue par Patrick Fernandez et sa femme Thy Vu, était intéressée, entre autres pour fournir le restaurateur Toru Okuda, qui a des établissements à Tokyo, Paris, New York. En parallèle, nous avons un partenariat avec l’aquarium de Vannes, demandeur de poissons vivants et conseiller avisé alors que nous allons doubler les capacités des viviers à terre : il nous guide en termes de taille, de forme, d’oxygénation… pour le bien-être du poisson. » En 2015, deux pêcheurs débarquaient 450 kg de poissons vivants. En 2018, plus d’une dizaine de ligneurs et fileyeurs ont pris le pli et débarqué 7,4 tonnes. Les prix sont stimulants : plus 50 % pour les classiques (bar, turbot…), mais une multiplication par trois pour les outsiders : chinchard, sole, lotte… « C’est un état d’esprit différent qui implique de pêcher moins et de valoriser mieux », souligne le directeur de la criée. Du désir, des pêcheurs, une criée et des clients. Il manquait un maillon. Sébastien Fauchille a passé une large partie de sa vie professionnelle dans la grande distribution avant de souhaiter s’investir dans la mer, version premium… soit la mer pour les étoilés ! Sa route a croisé celle d’Alexandre Lebrun. Son idée ? Intégrer cette filière du poisson vivant dans un schéma classique, afin d’obtenir une baisse des prix. D’où la mise au point d’un module de transport breveté, à partir d’éléments standards. Il permet au logisticien Delanchy d’entrer dans la boucle. Les premiers envois seront à destination de l’établissement cinq étoiles de Cédric Heurtebise, à La Clusaz, en Haute-Savoie. D’autres suivent à Paris, Lyon (avec Guillaume Bizet), Cannes, Monaco, Strasbourg… À Rungis, Étoiles & Mer est en connexion directe avec Armara. Sa flotte de camions livre plus de 300 clients chaque jour, dont les plus grandes tables parisiennes. Pour Sébastien Fauchille, le poisson vivant est une filière qualitative, responsable et pleine d’avenir. Il a conçu son activité dans le but de garantir à sa clientèle un produit exceptionnel. Il assure la ramasse des poissons, le stockage dans son atelier de Lorient entièrement pensé (caissons fermés, lumière bleue, eau régulièrement changée…) pour leur bien-être, puis l’expédition via Delanchy. En bout de chaîne, le client à la possibilité de pratiquer l’ikejime. Cette technique d’abattage japonaise, qui se développe en France, implique la mort cérébrale du poisson, suivie d’une déconnexion nerveuse et d’une saignée, qui assurent une meilleure saveur et un allongement de la DLC. Il peut aussi traiter son poisson en pre-rigor, soit dans les six heures qui précèdent la rigidité cadavérique. « Dans les deux cas, la qualité est maximale, se réjouit Sébastien Fauchille. La filière se développera encore, en accompagnant les pêcheurs, en les conseillant sur les meilleures méthodes. Elle est vraiment parfaite pour la restauration gastronomique, qui dispose ainsi d’une traçabilité à la pièce. » Textes et photos : Dominique GUILLOT |
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