Poissonneries Jordan Goube

Le 23/07/2021 à 9:45 par La Rédaction

 

Les tours du quartier d’affaire de La Défense ne sont qu’à quelques centaines de mètres du marché des Bergères. À Puteaux, commune opulente de 45 000 habitants de l’ouest parisien, les commerçants de cette halle alimentaire couverte sont ravis du programme d’aménagement urbain : la construction de l’écoquartier des Bergères, démarré en 2016. Dans un cadre de vie bientôt métamorphosé avec parcs paysagers, plusieurs lots des 2 000 nouveaux logements prévus ont déjà été livrés : des milliers de bouches supplémentaires, a priori à fort pouvoir d’achat, à régaler !

Après sa première implantation réussie au marché Windsor de Neuilly, en 2014, pour se développer, Jordan Goube a repris en 2017 l’affaire du poissonnier Daniel Mesnage, à sa retraite : deux places de marché couvert convoitées, à Puteaux. Vu les perspectives commerciales réjouissantes apportées par l’écoquartier, il a fallu débourser l’équivalent de la valeur d’un beau studio, alors qu’il n’y a même pas de fonds de commerce… Du vent, mais très porteur, que financent sans broncher les banques, rassurées par les très bons premiers bilans de la jeune SARL Goube.

Le titre de Meilleur ouvrier de France (MOF) obtenu par Jordan en 2019 ne peut que les conforter : ils ont bien misé sur un excellent cheval ! Mais ce samedi 1er février 2020, le gérant au col tricolore est un peu contrarié : la vente d’huîtres ne repart toujours pas, elle a été stoppée net juste après les fêtes, suite aux contaminations au norovirus. À côté du séisme Covid qui dévastera bientôt la planète, cet épisode viral paraît dérisoire. Les trois marchés seront fermés les deux mois du premier confinement, avec juste un drive et une réouverture partielle, à jauge réduite.

Jordan bricole dans l’urgence un site de commande sur le web, avec de la livraison à domicile, pour sauver les meubles. En mai 2021, le jeune homme vient de fêter ses 30 ans, plus confiant que jamais : hormis ce printemps sinistré, au final, l’année 2020 a été très bonne, avec un dernier trimestre exceptionnel, porté par la fermeture des restaurants et la continuité du télétravail. Il a pu refaire l’installation à Neuilly, y intégrant une mini-cuisine, et finalise actuellement l’achat d’un laboratoire à Herblay. Il va enfin pouvoir exprimer son savoir-faire de traiteur, réclamé par une clientèle toujours plus nombreuse.

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Lorsque le marché de Rungis organise au Grand Palais, à Paris, fin 2019, le premier « festival du bien manger », Jordan Goube y assure une master class sur la découpe des poissons nobles. La prestation est époustouflante de gestes aussi parfaits que rapides : une pratique quotidienne pour celui qui vient d’être consacré, à 28 ans, Meilleur ouvrier de France, unique lauréat des onze finalistes de la promotion 2019. Entre le jeune banlieusard de Ruel- Malmaison et Rungis, la belle histoire dure depuis les années 2010. En 2021, il s’y approvisionne toujours trois nuits par semaine. C’est au centre de formation des apprentis du marché de gros parisien qu’il a décroché son bac pro et son premier titre d’excellence, Meilleur apprenti de France. Il s’était évadé d’un ennuyeux BTS génie civil pour se former au métier de poissonnier, qu’il pratiquait le week-end, depuis ses 16 ans, à l’étal de son oncle, à Nanterre. Diplômé, il n’a que l’embarras du choix pour débuter sa carrière, et devient salarié d’un poissonnier de Versailles durant un an en tant que responsable des marchés de plein air. Mais il se met vite à son compte, en reprenant l’affaire d’un de ses moniteurs de CFA, au marché très cossu de Windsor, à Neuilly, où le turbot part plus vite que le tacaud… Et en 2017, il ne rate pas la succession de Daniel Mesnage à ses deux marchés de Puteaux. Secondés par son épouse Alexandra, Jordan et ses quatre salariés sont présents dans les deux communes voisines du mercredi au dimanche, deux ou trois matinées par semaine. Ses employés savent qu’ils peuvent compter sur un formateur exceptionnel, pédagogue hors pair qui sait motiver son équipe. « Il y a peut-être un effet MOF, qui attire une partie de leur clientèle. Ils forment surtout un joli couple de bosseurs acharnés, très simples et humbles, au mode de vie pas flambeur du tout. On s’entend et s’entraide très bien », résume Jérôme Pottier, son voisin poissonnier des Bergères.

 

Reportage : Lionel FLAGEUL

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