Pourtant, la Suisse offre aux produits français un débouché non négligeable. Elle est la 6e destination en valeur et la 11e en volumes. Signe que les produits consommés par les Suisses sont à haute valeur ajoutée. Deux critères dominent leurs choix : la fraîcheur et la garantie que le produit est issu d’une pêche responsable
Les consommateurs helvètes veulent nager dans des eaux claires. « Ils veulent être rassurés », indique Valérie Goussef, directrice marketing de l’importateur Ultra marine food. « Ils exigent de la transparence sur les produits », traduit Laurent Isoux, Pdg de Gastromer, grossiste spécialisé en produits de la mer. Pour l’offrir et rassurer, le responsable a engagé son entreprise dans une démarche de management de la sécurité alimentaire comme en témoigne sa certification ISO 22 000. « Une mise à nu totale de l’entreprise », note-t-il.
Mais au-delà de la sécurité alimentaire, les Suisses semblent de plus en plus sensibles au problème de pérennité de la ressource. Pour les rassurer les distributeurs misent sur les écolabels. Migros, un des deux poids lourds de la distribution alimentaire helvétique avec Coop, a noué un partenariat avec WWF et favorise l’ASC* et le MSC. En ajoutant le Bio, Migros compte réaliser 60 % de son chiffre d’affaires produits de la mer en 2015 avec des poissons, coquillages et crustacés labellisés. De son côté, Manor, la première chaîne de grands magasins suisses, qui détient près de 10 % de part de marché dans la distribution des produits de la mer, collabore avec Friend of the sea.
D’une manière générale, les acheteurs suisses se mettent en quête de produits labellisés quand ils banissent pas des espèces qu’ils jugent en danger. C’est vrai y compris chez des acteurs régionaux comme Serra poisson frais, installé à Clarens, qui s’interdit l’empereur. Manor, de son côté, refuse les poissons pêchés au chalut et sur ses étals Migros s’engage noir sur blanc à ne vendre que des poissons issus de pêches responsables. Un engagement qui figure dans le programme Génération M de l’enseigne. « Protéger les mers nous tient à cœur », insiste Sandra Hinni, spécialiste en développement durable pêche chez Migros.
La bataille entre enseigne se joue essentiellement dans l’univers du frais, qui apporte les 2/3 du chiffre d’affaires du secteur des produits de la mer dans une enseigne comme Migros. Des chiffres cohérents avec ceux de Gastromer, le grossiste qui réalise 85 % de son chiffre d’affaires, soit 19,3 M€, en frais. Un univers où il faut proposer du service, réaliser des filets, des brochettes, proposer des burgers de poisson, des gratins, tartares rillettes… Manor a su séduire une clientèle assez jeune avec ses salades de poissons maison, ses produits fumés sur place quand Gastromer propose une gamme large de produits traiteurs maison à ces clients.
« Nous sommes les horlogers du poisson », s’amuse Laurent Isoux, qui a conscience aussi de l’importance de proposer aux consommateurs des produits transformés en Suisse. Là comme en France, les produits locaux séduisent. C’est vrai pour le « fait-maison » comme pour les espèces indigènes : fera, perche, truite… Même si ces poissons ne génèrent que 2 % du chiffre d’affaires marée chez Migros, leur consommation est beaucoup plus importante que dans l’Hexagone. À défaut d’être locaux ou certifiés ASC, les produits d’aquaculture bio peuvent avoir leur chance chez les Helvètes. 4,4 % des viandes et poissons consommés seraient certifiés Bio, un chiffre en progression de 13,8 % selon Bio suisse. Déjà en 2011, les ménages consacraient en moyenne 7 % de leur budget alimentaire aux produits bio quand en France, cette part ne dépassait toujours pas les 2,4 % en 2012.
Travailler la qualité et imaginer de nouveaux services sont des leviers de développement loin d’être neutres.
* ASC : Aquaculture stewardship council
Reportage : T. QUARTIER
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