Dans l’hypermarché Carrefour d’Angoulins, la poissonnerie est implantée au beau milieu du magasin. Elle affiche un taux de casse très faible grâce à un pilotage minutieux des flux et des promotions attractives.
0,79 euro, avec un gros zéro, sur fond rouge : le prix des 100 grammes de crevette d’Amérique latine claque sur la grande affiche. En promotion depuis quelques mois, la vannamei est le produit d’appel par excellence du rayon marée de cet hypermarché de la banlieue sud de La Rochelle. Le calibre, 80/120, est certes petit, mais l’accroche est puissante. Elle sera même surpassée par la promo « imbattable » à 8,99 euros le kilo de grosses crevettes 25/35 pour ce week-end pascal, qui marque le début de la belle saison pour ce magasin côtier, avec une fréquentation estivale doublée. « Le client recherche plus que jamais du prix cette année, confie Arnaud Kamara, le directeur du magasin situé au cœur d’une vaste zone commerciale. Mais ces crevettes sont bien en label d’aquaculture responsable ASC », s’empresse-t-il d’ajouter.
En 2019, Carrefour a été la première enseigne française à obtenir la double certification MSC et ASC, pour ses 850 rayons marée. Elle vient même de fêter les 30 ans de ses Filières Qualité Carrefour, initiées dès 1992. Saumon, crevette, huître, moule, cabillaud, tourteau, bulot et d’autres espèces encore sont devenus disponibles en FQC, au fil des ans.
Composée d’une proportion significative de seniors de la classe moyenne, la clientèle ne boude pas les poissons d’élevage, au contraire. Bar et daurade grecs, en abondance sur l’étal, s’offrent pour 10 et 12 euros ce 16 avril. Depuis peu, de la sole senegalensis d’élevage islandais est en test, proposée à 22,90 euros. Wilfried Chiasson, l’animateur du rayon, a dû renoncer à la sole sauvage, au-delà de la barre psychologique des 30 euros, à la suite du quota très réduit cette année dans le golfe de Gascogne. Le pavé de saumon norvégien, qui frôle cette limite de prix, voit aussi ses commandes réduites, sous peine d’invendus. Alors que le maquereau, le merlan, la sardine, le congre et d’autres espèces populaires, dans les 5 à 7 euros, tiennent leur revanche.
Le taux de casse très faible obtenu à ce rayon, au moyen d’un pilotage minutieux des flux, explique en bonne partie son résultat appréciable, avec une marge nette positive et un classement dans le premier tiers des rayons marée des hypers Carrefour. Arnaud Kamara souligne aussi le score NPS (Net Promoteur Score, indicateur de la satisfaction client) très correct de l’établissement, bien placé localement. La qualité d’accueil et de service de la poissonnerie, implantée au beau milieu du magasin tel un repère qualitatif, y contribue assurément.
Un gestionnaire avisé
Il voulait devenir garde forestier, mais une orientation approximative l’envoie à l’adolescence au lycée de la mer de Bourcefranc. Wilfried Chiasson y suivra un cursus aquacole, du BEP au BTA. Natif de La Rochelle, il n’a pas d’origine familiale maritime. Il allait juste pêcher, tout gamin, dans le bassin des chalutiers, à l’encan, la vieille criée. Un premier emploi d’un an au rayon marée d’un hypermarché de Périgueux lui fait découvrir le métier de la poissonnerie. En 2000, à l’occasion d’un remplacement de congé maternité chez Carrefour, il revient à Angoulins. C’est là qu’il se plaît et se fixe. Il va évoluer jusqu’à devenir « niveau 3 » ou adjoint, puis chef du rayon marée ou « animateur » en langage Carrefour, fonction qu’il assure depuis sept ans. Il n’est toutefois pas cadre, comme son supérieur hiérarchique, le manager du rayon frais (fruits-légumes et marée). Au cours de ces 22 ans au sein de l’enseigne, Wilfried a assisté à la mutation de son rayon. D’une abondance initiale spectaculaire, plus ou moins maîtrisée, l’activité s’est progressivement quelque peu réduite, tout en restant conséquente. La réduction du gaspillage alimentaire a été importante dans le magasin, notamment au rayon marée. Avec les achats responsables, la gestion des ressources, la qualité des MDD, la durabilité des emballages, la démocratisation du bio, on est au cœur du concept de la transition alimentaire pour tous (Act For Food) cher à Alexandre Bompard, le P-DG de Carrefour depuis 2017. Au quotidien, Wilfried ou son adjointe Elisabeth Fargues passent beaucoup de temps sur la gestion des stocks et sur les commandes, avec un cadencier des espèces précis, principalement (80 % du total) à la centrale régionale de Cestas, au sud de Bordeaux, en A pour C. Un partenariat ancien en direct avec un mareyeur d’Oléron s’est achevé l’an dernier : il n’était plus satisfaisant. Le grossiste Cap Marée (groupe Le Saint) qui dispose d’une antenne charentaise l’a remplacé, à la grande satisfaction de Wilfried. Le mytiliculteur Emmanuel You, de Charron, fournit les moules de filières, puis de bouchot, depuis des années. Mericq complète aussi la centrale, offrant de la souplesse.
Lionel FLAGEUL