Avec un stockage tampon chez Norfrigo, Conegan, à travers ses deux sites boulonnais, permet à ses clients une mise sur le marché dans des conditions optimales. Entre deux, les produits surgelés sont découpés, calibrés, ensachés ou emballés, étiquetés et… surtout vérifiés.
L’entrée de l’entreprise, près de l’A16, est discrète. À l’image de Conegan. Parce qu’elle est un intermédiaire, on en oublie ses opérations unitaires, elle qui, en tant qu’entreprise de conditionnement, découpe, surgélation, décongélation, tri et remise en conformité, n’a pas le statut de transformateur.
En tant que professionnels, nous connaissons les fournisseurs de matière première. En tant que consommateurs, nous achetons régulièrement des produits surgelés qui ont transité par Wimille ou Boulogne-sur-Mer. Mais entre les deux, Conegan s’efface… Et pourtant, « nous sommes les yeux de nos clients et des consommateurs, sourit Paul Hayward, directeur général. On dit que notre métier, c’est le conditionnement mais je crois que le premier d’entre eux, c’est la qualité », ajoute-t-il, avec son délicieux accent anglais.
Imaginez un conteneur, affrété par un producteur et/ou importateur de produits aquatiques surgelés. Il doit être livré… à un distributeur qui a choisi l’emballage. D’abord, les produits sont stockés chez Norfrigo, auquel Conegan est adossé, physiquement (et moralement, puisque les sites de Wimille et Boulogne – ex-Packopale – appartiennent au groupe Le Garrec et Cie). Et voici que le distributeur décide : 3 tonnes livrées demain. Conegan déstocke, découpe, calibre, pèse, emballe, met en carton puis restocke chez Norfrigo, (le transfert se faisant par un simple sas) avant expédition.
Outre la réactivité, cela paraît simple. Mais ça ne l’est pas. Car en tant qu’emballeur, Conegan a une lourde responsabilité en termes de conformité, notamment de poids. Or, le poids fixe dans les produits de la mer est un véritable casse-tête. Sur les lignes, le cliquetis des peseuses associatives rythme les productions… Mais elles ne peuvent œuvrer que pour les petites pièces, crevettes, fruits de mer et autres saint-jacques. Pour le poisson, c’est une autre histoire. Lorsqu’il arrive entier, vidé et étêté, il faut toute la maîtrise des scieurs pour un piéçage homogène qui ne sacrifie pas le rendement matière. Lorsque la matière première est plus standardisée, (filets de saumon, par exemple), les deux lignes de robots peuvent être utilisées. Elles minimisent les pertes matière – 10 à 15 % – et permettent un tranchage ultra-fin quand les emballages choisis imposent des épaisseurs peu usuelles. Avant le conditionnement, encore faut-il s’assurer qu’il n’y a aucun corps étranger. L’opération est spectaculaire avec la Tomra, qui trie les saint-jacques aux rayons X par analyse de densité à une vitesse record.
Puis vient le conditionnement. Là non plus, rien de simple en raison de la multiplicité des formats. Doy-pack, zip ou pas, stand-up, sachets imprimés ou pas, avec ou sans cavaliers, sous vide, dans un emballage rétractable, en chapelets, en barquette sous skin, sous fourreau ou pas, en barquette thermoformée, en étui, à divers formats : les solutions sont multiples et les combinaisons… infinies. « Nous ne les avons pas comptées, s’amuse Paul Hayward. Et je n’y tiens pas : notre offre de service est justement d’être capable d’imaginer les packagings et les découpes, de conseiller, d’effectuer la R&D avec des partenaires et d’ensuite faire à façon. Conegan est connu pour être capable de faire dans la dentelle (parfois à la palette, NDLR) et de créer des moutons à cinq pattes pour résoudre les problèmes clients ! Si vous emballez différemment, avec des barquettes ou des films transparents, des cavaliers en carton avec une pellicule plastique de quelques microns donc facilement recyclables, vous avez une meilleure image de marque. On propose, nos clients disposent. » Enfin, les productions se terminent par la mise en carton, la seule zone commune. Car ce qui frappe, chez Conegan, c’est le dédale. Chaque ligne est cloisonnée, accessible par sas avec pédiluves pour permettre des productions distinctes simultanées.
Ces productions-là sont classiques. Mais pour notre conteneur, les choses ne se passent pas toujours bien. Imaginons… des portes restées entrouvertes. « Les produits près de la sortie sont décongelés ; ceux du milieu du conteneur sont incertains ; ceux du fond sont conformes mais il faut le prouver. Nous pouvons faire le tri, remettre sur le marché les produits qui peuvent l’être après un contrôle qualité et un reconditionnement », explique Paul Hayward. D’autres produits peuvent être « requalifiés ». Ainsi, du saumon avec un taux de chair brune trop important, refusé par un client, sera redécoupé pour obtenir un grade différent et réintégrer le circuit. Un type de prestation loin d’être un marché de niche pour lutter contre le gaspillage alimentaire.
Mais pour développer Conegan, Paul Hayward compte aussi sur de nouveaux métiers. « Le poisson ingrédient qu’il faut décongeler n’est plus dans l’air du temps. Beaucoup de consommateurs le préfèrent prêt à cuire et/ou pané. Conegan s’adapte avec de la décongélation et de la précuisson. On réfléchit également à des packagings de saint-jacques avec une marinade dans le même sachet. »
Autre activité de Conegan : la surgélation. Une cellule de congélation d’une capacité de 2 tonnes par jour absorbe une partie des excédents de pêche. Cette capacité sera portée à 15 tonnes par jour lorsque le Girofreeze, dans lequel Conegan vient d’investir, entrera en fonction. Une capacité qui sera un atout maître sur un marché pour lequel Paul Hayward entend créer une business unit à part entière : le refresh. Avec un stockage tampon qui permettra aux producteurs de « lisser » la mise en marché et de vendre à prix fixe tout au long de l’année. Le groupe a investi dans une ligne SealPack, installée sur le site de Boulogne-sur-Mer, pour mettre en barquette sous atmosphère modifiée avec une DLC longue que les temps courts de passage en atelier et le stockage voisin autorisent.
Parmi les autres pistes : la diversification vers d’autres produits agroalimentaires. Conegan mélange et ensache ainsi déjà des fruits rouges et des cocktails melon-mangue. Avec ces nouvelles activités, Paul Hayward espère doubler le chiffre d’affaires d’ici 5 ans, pile pour les 50 ans de l’entreprise.
Marielle MARIE