Institution du commerce de détail des produits de la mer à Montpellier, La Marée Gourmande des Mancuso est passée mi-2022 dans le giron de la Maison Tarbouriech, famille très connue d’ostréiculteurs et conchyliculteurs sur l’étang de Thau et à Frontignan. La partie restauration, avec son bar à huîtres, a été créée pour augmenter l’attractivité.
La marée est-elle devenue encore plus gourmande depuis son rachat en juin 2022 par la Maison Tarbouriech ? Il est déjà certain que la physionomie des lieux a évolué depuis le reportage que PDM avait consacré à la poissonnerie de la famille Mancuso en 2019 (lire dans PDM no 191).
Dans les halles alimentaires Jacques-Cœur, au sein du quartier Antigone du centre-ville historique de Montpellier, le stand était à l’image de la famille Mancuso : discret, sobre, voire un brin austère mais d’allure immaculée, tenu au cordeau. Aussi, le relooking de l’échoppe est notable, avec un habillage en bois recyclé et de grands écrans plats diffusant des informations commerciales. Surtout, c’est la présence de l’échoppe sœur, le bar à huîtres et sa trentaine de places assises (allant jusqu’à une centaine avec la terrasse extérieure l’été), juste en face de la poissonnerie, qui constitue la différence majeure. En 2019, cet emplacement était vide mais son potentiel commercial évident n’a pas échappé à l’œil avisé de Florent Tarbouriech au moment de sa recherche d’implantation à Montpellier. La grande métropole de l’Hérault est distante d’une trentaine de kilomètres seulement de Marseillan, sur l’étang de Thau, siège de la Maison Tarbouriech.
Étant l’un des fournisseurs locaux d’huîtres et moules des Mancuso, Florent avait bien repéré cette poissonnerie très qualitative. Le bon moment est arrivé en 2022, lorsque Bernard et Raymonde Mancuso ont souhaité profiter, à 65 ans, d’une retraite bienvenue après plus de quatre décennies de travail acharné. Cela a aussi été l’occasion pour Emmanuel, leur fils et gérant de l’entreprise familiale, de revenir, à 40 ans, à son métier initial d’ingénieur réseaux, à Paris, en se perfectionnant en informatique et intelligence artificielle.
Sur le fond, l’étal de la poissonnerie est toujours aussi bien achalandé, avec les mêmes sources : principalement la criée de Sète, au quotidien, et celle du Grau-du-Roi. Cela représente environ 75 % de l’approvisionnement en poisson, complété par une gamme d’espèces de l’océan, comme on dit ici, à savoir l’Atlantique, via des grossistes : dos de cabillaud (souvent de ligne, haut de gamme, 42,90 euros/kg ce matin-là), lieu, flétan, encornet… L’étiquetage précise bien l’origine. Des clients d’un âge vénérable, fidèles depuis toujours, ne jurent que par l’origine Méditerranée… Le traiteur à emporter, qui existait déjà du temps des Mancuso, représente 30 % du CA de la poissonnerie. Il a été développé.
Les soirées brasucade (repas festif de moules cuites au feu de bois) et sardinade, instaurées en fin de semaine de mai à octobre 2024, ont attiré jusqu’à 150 personnes, souvent jeunes, avec une offre à 10 euros la portion, frites et verre de Picpoul compris. Une cuvée spéciale Tarbouriech, bien sûr !
Le chaînon manquant de la Maison Tarbouriech
Les deux familles se connaissaient déjà et s’appréciaient. Entamées en novembre 2021, les négociations de reprise de La Marée Gourmande ont abouti à une vente du commerce à la Maison Tarbouriech en juin 2022. Une phase transitoire a permis de ne pas déstabiliser la clientèle, très fidèle, qui aurait pu être désarçonnée par le changement. Bernard et Raymonde sont restés encore quatre mois derrière l’étal, avec tout le personnel, gardé, dans un premier temps. ex-gérant, est demeuré une bonne année auprès des Tarbouriech, qu’il a pu former à leur nouveau métier de poissonnier, qu’ils ne connaissaient pas. Comme praticien, on ne trouve sans doute pas mieux tant le quadragénaire est époustouflant à la découpe et préparation du poisson, tout en maîtrisant le sourcing et la gestion.
Florent Tarbouriech voulait s’implanter depuis un certain temps à Montpellier. Celui qui avait dû reprendre à 20 ans la modeste affaire ostréicole familiale, démarrée en 1962 par ses parents à Marseillan, dirige un petit empire conchylicole multi-formes à peine quatre décennies plus tard. Une production d’huîtres de 500 tonnes annuelles à partir de 100 tables sur l’étang, sans compter les concessions démarrées à l’étranger. Dont les fameuses tables solaires pour l’exondation pilotée à distance – invention brevetée – depuis 2006. La spéciale Tarbouriech va séduire de nombreuses tables étoilées en Europe. Le fils, Romain, est responsable de production, qui compte aussi des filières de moules en mer, une technique relancée depuis 2020 et générant un millier de tonnes. Pas moins de 4 000 tonnes de moules sont aussi importées – surtout d’Espagne et d’Italie – transformées et conditionnées à l’usine de Frontignan. Sous l’égide de Flavie, la fille aînée, l’activité d’écotourisme s’est bien développée, avec deux comptoirs de dégustation sur les rives de l’étang et l’ouverture en 2018 du domaine restaurant, demeure et spa, avec la création des cosmétiques Ostréalia.
Carla, 22 ans, de formation commerciale supérieure, comme sa grande sœur, a aussi intégré l’entreprise. La jeune femme est venue à la rescousse de l’équipe de Montpellier en octobre. Après deux années post-crise sanitaire un peu difficiles, plombées par l’inflation et une certaine déconsommation, l’année 2024 est récompensée d’une belle croissance, avec des fêtes très réussies.
Lionel FLAGEUL