La Table de Mare e Gustu, à Bastia (2B)

Le 17/10/2023 à 9:26 par La rédaction

Après avoir créé sa conserverie, le pêcheur Sébastien Rialland a ouvert un restaurant, La Table de Mare e Gustu. Il s’est associé à deux chefs, Denny Imbroisi et Julien Duboué, qui lui confectionnent une carte autour de sa pêche.

Au cœur de la vielle ville de Bastia, la place du marché est un point de rencontre incontournable de jour comme de nuit. En ce début de matinée de juin, les établissements qui l’entourent se préparent pour le service du midi. Parmi eux, La Table de Mare e Gustu, ouvert depuis le mois de mars, a pris la place d’une institution depuis une cinquantaine d’années, La Table du marché. À la terrasse, son patron, Sébastien Rialland, réceptionne une livraison de matériel pour la prochaine fête de la Musique.

Après avoir ouvert sa conserverie Mare e Gustu en 2017, ce pêcheur de 38 ans a décidé de se lancer dans la restauration, continuant ainsi à valoriser sa pêche. Il s’est associé pour cela à deux chefs exerçant à Paris et habitués des plateaux télé, Denny Imbroisi et Julien Duboué. « J’ai profité de l’élan pris par Mare e Gustu pour créer ce restaurant. Je bénéficie de l’expérience et du savoir-faire de Denny et Julien. Si j’ai la moindre question, ils sont là ! ». Les deux chefs élaborent ainsi la carte, à 90 % à base de poisson, inspirée des origines des trois associés : italienne, basque et corse. La carte s’adapte à la saisonnalité. Jusqu’au 15 juillet, c’est le thon rouge qui a la part belle, la pêche se concentrera par la suite sur l’espadon qui aura donc la faveur des chefs. Pour les plats dont la base est une soupe de poisson (dont l’aziminu, bouillabaisse corse), c’est un pêcheur voisin qui est sollicité. Fidèle à sa politique de qualité développée pour sa conserverie, Sébastien Rialland s’approvisionne le plus possible localement. Le laboratoire de Mare e Gustu constitue un atout car il permet de travailler les poissons. « C’est important
pour une question de traçabilité. Les lots pour le restaurant sont référencés, nous découpons à 0 °C. C’est important, surtout pour le thon rouge qui est délicat. Je ne peux pas me permettre une erreur, je représente mes deux associés. »

Sébastien Rialland fourmille d’idées. Reprenant une institution dont la clientèle était constituée essentiellement de notables, il veut donner à La Table de Mare e Gustu une image plus dynamique et attirer une clientèle plus jeune. Il projette pour cela, à l’occasion de concerts sur la place, des soirées tapas sur la base des conserves. À la rentrée de septembre, des chefs seront invités à tour de rôle. « Il y aura un menu unique autour de ce qu’ils feront. Les premiers qui réservent auront leur place, comme à un concert. »

 

Un passionné de pêche qui mise sur la valeur ajoutée

Si La Table de Mare e Gustu occupe en grande partie Sébastien Rialland, celui-ci passe certains matins sur son bateau. « C’est ma passion. Rien n’existerait sans ça ! » Cette passion vient de l’enfance. « À la maison, on parlait tout le temps de pêche. J’ai voulu devenir patron pêcheur. J’ai embarqué à 16 ans avec mon père durant deux ans. » Alors qu’il avait acheté un bateau de 7 mètres, la réglementation ne lui permettait pas d’être patron à 18 ans. Cela n’a pas découragé pour autant le futur entrepreneur. « J’ai demandé une formation accélérée au lycée maritime de Bastia et une dérogation aux affaires maritimes. Pour obtenir celle-ci, j’ai fait le pari, avec le représentant de l’administration, que je serai major de promotion. Et le pari a été tenu ! » Le jeune patron a ensuite pu vivre correctement de sa pêche, jusqu’à l’instauration des quotas qui ont failli avoir raison de cette passion. Le pêcheur songe alors à se réorienter. C’est son épouse qui le pousse à ne pas tirer un trait et qui a l’idée d’apporter une valeur ajoutée à la pêche. De là naît Mare e Gustu, une conserverie destinée à valoriser les thons rouges pêchés par Sébastien Rialland. Grâce à des subventions, un laboratoire a pu être monté. « Nous voulions avoir une dimension artisanale et proposer une gamme destinée à l’épicerie de luxe. Mais ni l’un ni l’autre ne savions cuisiner. » Un chef local, Yann Le Scavarec, est sollicité. Durant trois mois, les deux hommes se sont mis en recherche de la bonne formule de cuisson afin que la chair ne soit pas sèche. « On a choisi la ventrèche, plus grasse, à laquelle on ajoute de l’huile d’olive pour confire le thon. Le produit est ainsi moelleux, fondant. » Tous les produits sont locaux, jusqu’à la moutarde qui provient d’un petit producteur. Cette recherche de qualité se retrouve également dans sa pêche à travers la pratique de l’ikejime.

Depuis 2017, Mare e Gustu connaît un succès qui ne se dément pas. L’ambition d’un côté luxe est affirmée et la marque est distribuée dans des épiceries fines en France, en Belgique, en Suisse. « La totalité de ma pêche ne va pas à la conserverie. Cela me permet de valoriser avec le restaurant, mais je continue de vendre aux grossistes. Mais j’aimerais un jour arriver à valoriser l’ensemble. »

 

Alain LEPIGEON

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