Les secrets de la crevette écoresponsable d’Unima

Le 19/01/2023 à 8:00 par La rédaction

PDM vous emmène à Madagascar, à 9 000 kilomètres de la France, où Unima nous a ouvert les portes de ses installations. Le groupe y produit une crevette P. monodon réputée pour sa qualité, mais aussi pour son éco-modèle aquacole, responsable et intégré.

« Antsika Jiaby Miara Mandroso » signifie en malgache « progressons tous ensemble ». Cette devise illustre le tout nouveau logo du groupe Unima, aux côtés d’un arbre du voyageur – plante endémique et emblématique de l’île rouge –… et bien sûr d’une crevette Penaeus monodon ! En parallèle de cette nouvelle identité visuelle et d’un site Internet flambant neuf, le leader de la crevette de Madagascar a publié cet automne son premier rapport RSE (responsabilité sociétale des entreprises). L’exercice de mise en avant n’a pas forcément été simple pour le groupe, qui cultive volontiers la discrétion. « Le marché nous renvoie ce besoin. Il était nécessaire d’expliquer pourquoi notre crevette est la meilleure et en quoi notre modèle de développement est unique. Nous ne vendons pas seulement des crevettes. Derrière leur prix, il y a beaucoup d’engagements écologiques et sociaux », explique Amyne Ismail, président-directeur général du groupe.

Le groupe Unima a été créé en 1965 par son père, Aziz Ismail, dont la famille originaire d’Inde est établie à Madagascar depuis cinq générations. Après une expérience dans le textile avec son oncle et son cousin, il reprend Les Pêcheries de Nossi-Bé en 1973. C’est le début de l’aventure crevettes ! À côté de l’activité pêcherie – toujours d’actualité chez Unima –, la réflexion s’engage rapidement pour développer un modèle aquacole malgache, respectueux de l’environnement et de la biodiversité. L’espèce retenue va de soi : ce sera la Penaeus monodon (également appelée « black tiger » ou crevette tigrée), réputée pour sa grande taille, ses qualités gustatives et naturellement présente dans les eaux de Madagascar. Père et fils développent l’élevage de crevettes, d’abord dans la baie de la Mahajamba (au nord-ouest de l’île), puis à Besalampy, un peu plus au sud. En 1998, Amyne Ismail prend la direction générale d’Unima et fait le pari de l’intégration. De la domestication (à Moramba) à la distribution (via Unima Distribution), en passant par l’élevage larvaire (à Mifoko), l’aquaculture (Aqualma avec les fermes de Mahajamba et Besalampy), la transformation (usine de surgélation et conditionnement à Besakoa, atelier de cuisson à Boulogne-sur-Mer) et même la fabrication d’aliment (Nutrima, à la Réunion), Unima maîtrise toute la chaîne de production et de distribution. « Nous pouvons garantir le respect de la chaîne du froid, ainsi qu’une traçabilité totale. C’est une grande force d’Unima », souligne Amyne Ismail.

Pionnière de l’aquaculture malgache, Unima l’a aussi été en matière de qualité. Ses crevettes ont obtenu le Label Rouge en 2004 (une première pour une crevette, mais aussi pour une société non européenne). Unima a aussi été la première ferme crevettière africaine certifiée ASC, en 2016. Depuis 2012, une partie de la production est certifiée bio. Au niveau environnemental, le groupe est engagé dans la préservation de la mangrove et la reforestation. Il peut aussi se targuer d’avoir fait réaliser dès 2007 « le premier bilan carbone au monde dans le secteur des produits de la mer et le premier bilan carbone d’une entreprise du Sud, tous secteurs d’activité confondus ». Le modèle se veut par ailleurs social (salaires, santé, bien-être…). L’implantation de l’usine d’Unima en 1993 a permis un développement spectaculaire du village de Besakoa, passé de quelques dizaines d’habitants à plus de 6 000 aujourd’hui. Les villageois bénéficient d’un accès à la santé et à l’éducation, avec des écoles de la maternelle au lycée. Plusieurs ONG comme WWF ou Blue Ventures travaillent de longue date avec Unima. Les clients du groupe sont aussi impliqués : les consommateurs de Picard ont ainsi financé la création d’une unité mère-enfant, ceux d’Intermarché un lycée puis un pensionnat de brousse.

Pour accéder aux installations d’Unima, pas de route en dur. On arrive par de tout petits aéroports. À Moramba, dans un sanctuaire ultra-préservé, Unima a été le premier à domestiquer la P. monodon, pour s’assurer d’une qualité sûre, d’un volume suffisant (il n’y avait pas assez de géniteurs dans le milieu naturel) et préserver l’environnement. Depuis 2001, Unima produit ses propres géniteurs (environ 25 000/an) et les post-larves qui approvisionnent ses élevages (300 à 360 millions/an). Les crevettes en âge de se reproduire sont déplacées dans l’écloserie. Elles y bénéficient d’une alimentation plus diversifiée, d’une température stable et d’une lumière contrôlée. « Nous répliquons au mieux les conditions de vie naturelles dans la mangrove, en respectant au maximum le bien-être animal », explique Marc Alain Le Groumellec, directeur de la domestication, biosécurité et génétique d’Unima. Les femelles prêtes à pondre sont placées dans un pondoir individuel. L’éclosion est rapide : 14 heures. Les larves quittent Moramba à J+1 pour rejoindre le site d’élevage larvaire de Mifoko, où elles resteront environ 21 jours.

Ce n’est qu’ensuite que les post-larves (environ 0,01 gramme) sont envoyées sur le site d’élevage. Situé dans la baie de Mahajamba, celui-ci est accessible uniquement en bateau. « Aqualma est le cœur du groupe », souligne Amyne Ismail. 650 personnes y vivent et travaillent, selon un rythme proche de celui d’une plateforme pétrolière (4 semaines de travail puis 10 jours de repos). Les post-larves passent 4 à 6 semaines dans les bassins de prégrossissement (1 à 2 hectares), jusqu’à peser 0,8 à 1 gramme. Elles rejoignent alors un bassin de grossissement. Elles y resteront 3 à 6 mois, en fonction de la saison et du calibre souhaité. En 2014, une crise de whitespot (un virus inoffensif pour l’homme mais mortel pour les crevettes) a imposé à Unima de profondément repenser son mode d’élevage et d’investir massivement. L’eau, qui n’était précédemment quasiment pas filtrée, fait désormais l’objet de traitements poussés (filtrage, ozonation, décantation). « C’est la porte du coffre-fort. Aucun virus ne doit pouvoir passer », résume Jean-Christophe Saulay, responsable production. La taille des bassins a été divisée par deux (5 hectares, avec un doublement de la densité en crevettes) pour diminuer la consommation d’eau.

Une fois pêchées, les crevettes sont immédiatement expédiées en bateau à l’usine de Besakoa, où travaillent environ 450 personnes. Les crevettes y sont triées manuellement. Celles qui ne pourront pas être vendues entières sont décortiquées, toujours à la main. Les autres sont calibrées mécaniquement puis surgelées IQF, soit en vrac (6 kilogrammes, pour départ vers l’usine de cuisson de Boulogne-sur-Mer), soit rangées à la main dans des boîtes de 400 grammes à 2 kilogrammes, à marque Unima ou sous MDD.

Ces dernières années, l’éco-modèle d’Unima se décline sur la noix de cajou, avec le développement de vastes plantations d’anacardes. « Dans les deux cas, la démarche est la même : produire un produit de grande taille, très bon et sans aucun défaut ! », résume Amyne Ismail.

 

Reportage Fanny ROUSSELIN-ROUSVOAL

 

Toutes les photos du reportage Unima sont à retrouver dans le magazine Produits de la mer n°216

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