Alors que Business France explique dans son dernier guide à l’export que la Suisse est le marché au plus fort potentiel pour les produits français, PDM vous emmène visiter l’un des importateurs les plus importants de la place de Genève.
Importateur suisse implanté à Genève, Gastromer se fournit majoritairement en France (60 % du CA), puis en Islande, Norvège et Europe du Nord (30 %) et, enfin, a recours au grand import, pour le thon frais par exemple (5 %). Le sourcing est ainsi au cœur du métier de Gastromer. « Un de nos exercices est de sélectionner des fournisseurs qui apportent des garanties en termes de développement durable », détaille Fabrice Jeantet, directeur de la société. Cette dernière mène donc des audits de durabilité auprès de ses fournisseurs et est elle-même certifiée MSC et ASC. Les consommateurs suisses étant très demandeurs de produits labellisés, ces derniers occupent une place de choix dans l’assortiment de Gastromer. Mais vu d’un pays comme la Suisse, sans littoral et donc sans culture maritime, l’achat relève du défi : « L’approvisionnement du poisson en Suisse reste artisanal, on est sur un marché vieillissant, explique Paul Girard, directeur des achats. On met en place un nouveau système informatique d’achat, pour apporter de l’innovation et du service client. »
Preuve que le sourcing constitue l’un des piliers de Gastromer, « on fait venir nos fournisseurs pour leur présenter nos équipes, mais aussi notre clientèle, raconte Fabrice Jeantet. Nous associons nos fournisseurs et nos clients à notre démarche. » Et Paul Girard de compléter : « On raconte une histoire. » Au-delà de l’import, qui constitue 90 à 95 % de son CA, Gastromer a également recours aux produits locaux, aussi bien sauvages avec des poissons lacustres (perche, corégone…) que du saumon d’élevage, en plein essor dans le pays. « Manger local est une demande du consommateur final. Le “fait en Suisse” plaît beaucoup », argumente Paul Girard.
Trois quarts de l’activité de Gastromer se font sur le frais, avec des « assortiments premium, comme le raconte Fabrice Jeantet. Notre cœur de métier, c’est la marée fine issue de mareyeurs bretons (saint-pierre, lieu jaune, bar, turbot, maigre, lotte…) pour la belle restauration suisse ». À propos de la démarche visant à mettre en lien fournisseur et clientèle, Paul Girard poursuit : « Nous sommes le relais de la qualité des produits de nos fournisseurs auprès de nos clients. Ces derniers sont en demande d’une gamme très large, en particulier à Genève avec une clientèle haut de gamme et cosmopolite. » Gastromer travaille uniquement avec la restauration, à 80 % de la restauration indépendante et 20 % pour la restauration collective. Les attentes de la clientèle sont nombreuses en termes de qualité : filet sans peau et sans arêtes, sans odeur, avec un grammage précis… « Notre ADN, c’est de transformer à façon pour nos clients », résume Fabrice Jeantet.
Cette exigence et ce travail sont rendus possibles grâce aux équipes polyvalentes et qualifiées. Certains fileteurs viennent même de Boulogne ! Chaque jour, 4 tonnes de produits passent dans l’atelier après agréage. Outre les activités de filetage, l’atelier comprend de nombreuses salles de stockage pour les produits de négoce (surgelé, traiteur, huîtres…), ainsi qu’une cuisine pour la préparation de plats cuisinés sous marque propre.
Avec un fonds de commerce principalement en restauration commerciale, l’épisode Covid a été un vrai défi pour l’entreprise. Son directeur témoigne : « On a totalement réorganisé l’activité, en mettant l’accent sur la restauration collective, mais aussi sur les produits à emporter. On a maintenu les emplois, c’est une vraie fierté. » Aujourd’hui, c’est l’inflation qui vient percuter son activité, couplée à des difficultés d’approvisionnement expliquées par Paul Girard : « Les pêcheurs sont moins sortis à cause du prix du gasoil, la fréquence de pêche ne matche pas avec la demande. On a eu des hausses de prix, notamment sur le thon, le saumon et le cabillaud. »
Pour appréhender au mieux l’année à venir, le patron commence par jeter un œil dans le rétroviseur : « L’année a été marquée par notre passage au système SAP, qui doit nous apporter une meilleure efficacité. Le marché du poisson a également été marqué par une forte inflation. Elle pousse nos clients restaurateurs à se questionner davantage sur leurs choix d’espèces au menu. On a une dualité de clientèle : une restauration premium qui reste sur des produits sauvages haut de gamme, et une restauration traditionnelle qui se tourne davantage vers les produits d’élevage. Nous avons dû travailler sur une segmentation de gamme plus adaptée pour mieux répondre aux besoins de nos clients. » Il souhaite travailler sur trois axes en cette nouvelle année. « Notre objectif est d’être l’artisan référent en Suisse romande, en maintenant nos relations fournisseurs. C’est notre vocation et cela nous permet de sécuriser nos approvisionnements. On va aussi avoir une politique commerciale en binôme, avec de la télévente individualisée couplée à un commercial de terrain, pour remettre le client au centre. Enfin, on capitalise sur notre savoir-faire premium. »
L’ambition de l’année est de développer la Suisse romande, notamment sur la restauration collective. Un autre marché cible est celui de la restauration spécialisée, avec l’émergence des sushis, poke et de la restauration italienne, qui ont des demandes spécifiques en termes de découpe et de préparation. Mais Fabrice Jeantet nuance son enthousiasme : « 2023 sera une année de consolidation, tout en restant prudent. » Gastromer souffle cette année sa trentième bougie, avec ambition et optimisme.
Vincent SCHUMENG