Doté d’une belle expérience de six ans, salarié en poissonneries artisanales et en grandes surfaces, le jeune Louis Le Floc’h a réussi son installation à son compte en 2022 comme ambulant, une formule abordable financièrement parlant.
Il est encore possible de marcher à l’aise dans les rues du marché de Moëlan-sur-Mer, ce mardi 20 juin, mais dès les vacances d’été, la fréquentation va monter crescendo. Cette commune proche de la côte sud-finistérienne, entre Lorient et Concarneau, abrite l’un des marchés les plus dynamiques de la côte en Bretagne sud, actif toute l’année avec une amplification spectaculaire en juillet-août.
Aussi, lorsque Louis Le Floc’h s’est installé à son compte, en avril 2022, en reprenant une des deux tournées ambulantes de Laurent Tuauden, il s’est empressé d’ajouter Moëlan à son circuit hebdomadaire : Moëlan, donc, le mardi, puis Le Faouët, Langonnet, Bubry et enfin Gourin le samedi, pour finir une semaine à cheval entre le Finistère et le Morbihan. Soit un rayon de 30 à 55 kilomètres à partir de Lorient, raisonnable en termes de trajets. Le jeune homme de 26 ans, domicilié à Plouay, est aussi à 20 kilomètres du port de Lorient, où il s’approvisionne tous les matins, dès 3 h 30 ou 4 h, à la criée des côtiers de Keroman. Sauf le jeudi, où il s’octroie un peu de sommeil en plus et récupère ce dont il a besoin (plus de filets que de poissons entiers pour Langonnet, dans les terres) auprès de son collègue ambulant Romain Chamard, son associé (à hauteur de 20 % dans la SARL L’Octopus), et de ses deux principaux mareyeurs fournisseurs (les deux Jaffray, Marcel et René).
Louis s’est procuré de magnifiques gros merlans de ligne ikejime avec l’un de ses anciens employeurs, Les Viviers du Pradic, à Étel. Les merlans ont été capturés le 15 juin par Gwendal Leroux, patron du ligneur-dragueur Belen de l’île de Houat, l’un des spécialistes de cette technique d’abattage japonaise, et sont vendus le 16 à la criée de Quiberon. Louis en propose sur son étal depuis le samedi 17. Ils sont encore d’une incroyable fraîcheur et constituent une alternative attractive à d’autres gadidés plus nobles mais plus rares et onéreux, comme le bar ou le lieu jaune. De même, la cardine de langoustiniers, à 9,90 euros/kg (taille 3/4) est mise en avant, faute de sole, hors de prix ce jour-là (et tout l’été !), à plus de 25 euros en criée.
C’est toute une éducation que mène le jeune poissonnier, très pédagogue, auprès de sa clientèle, déjà fidèle, où le tutoiement est de rigueur. L’étal est certes réduit, le choix restreint à l’essentiel, abordable, mais les conseils et la gentillesse de Louis sont immenses !
Louis l'ambulant
Il a eu la passion des chevaux dans sa jeunesse, au point de vouloir en faire son métier en tant que maréchal-ferrant. Mais Louis Le Floc’h a vite déchanté, dégoûté au contact du milieu des propriétaires de chevaux, et a arrêté sa formation technique en alternance au bout de quelques mois. Ce fils de commerçante et d’engagé de la Marine nationale commence alors à gagner sa vie au rayon marée d’un supermarché de Quiberon. Pas tout à fait par hasard, puisqu’il a aussi une autre passion : la pêche de loisir. Il apprend par la suite les gestes du métier auprès de Tonio, un vieux poissonnier des halles de Vannes. Puis il se forme à la vente au Super U de Carnac avant de poursuivre au grand Carrefour de Vannes, avec la gestion et le management d’équipe. Mais, faute d’évolution, il change d’enseigne après un démarchage par un… chasseur de tête : à croire qu’un bon poissonnier est aussi recherché qu’un cadre supérieur !
Il devient responsable du rayon marée d’un supermarché de Moëlan, puis d’un hypermarché à Quimperlé, un poste trop lourd. Il revient à la poissonnerie traditionnelle, à Étel, puis auprès de Chantal Auffret, une légende des halles de Merville, à Lorient. Enfin, l’artisan ambulant Yves Poulhazan lui propose un CDI pour remplacer son salarié parti à la retraite. Louis travaille, entre autres, sur ce marché de Moëlan, une commune dont il commence à bien connaître la clientèle, en plus d’y être bien connu et apprécié. Aussi, lorsqu’il s’installe à son compte en avril 2022 en reprenant une partie de l’activité du président de l’Opam-B, en toute logique, le marché de Moëlan est pour lui une évidence. Pas pour tout le monde, puisqu’il y aura un peu de friture au début, venant du repreneur de Tara Marée, l’affaire de M. Poulhazan, pour laquelle Louis avait un moment postulé. La tension entre les deux jeunes hommes est bien retombée : il y a largement la place pour eux deux à Moëlan et l’offre de L’Octopus est plus réduite. A posteriori, Louis se félicite d’ailleurs d’avoir débuté à son compte par une affaire plus modeste. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir un projet hybride ambitieux, dès 2024, avec son associé, pour consolider leur activité d’ambulants. La trésorerie accumulée grâce au dispositif financier de Pôle emploi va y contribuer.
Lionel FLAGEUL