Terafood : la puce qui renifle

Le 17/02/2020 à 10:37 par La Rédaction

 

« Nous voulons lutter contre le gaspillage alimentaire. »

Mattias Verstuyft,
Chercheur de l'équipe Terafood (5e en partant de la gauche) (crédit photo : DR)

  

 

[ Transfrontalier ]

Un projet Interreg
Terafood est un projet Intereg (soutenu par le Fonds européen de développement régional) France-Wallonie-Vlaanderen, du nom des régions wallonne et flamande, au sud et nord de la Belgique. Durée : quatre ans (2017-2020).

Objectif
Développer un capteur compact et bon marché intégré dans des emballages afin de contrôler la qualité de la nourriture emballée. Et ainsi optimiser la gestion des stocks.

Acteurs
Coordinateur : l’Institut d’électronique, microélectronique et nanotechnologie du CNRS à Lille. Partenaires universitaires et industriels : universités de Gand (UGent) et du Littoral Côte d’Opale (Ulco), VMicro et Flanders’ Food.

Principe

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Les ondes dans les fréquences térahertz, proches du son, permettent de détecter les gaz signes de détérioration des aliments et ainsi de déterminer la fraîcheur de la nourriture. La micropuce, capteur passif à l’intérieur de l’emballage, est lue par un laser externe, sans nécessiter l’ouverture de l’emballage. Les chercheurs rendent les capteurs plus sensibles et plus petits tout en abaissant leur prix de revient.

 

Il y a 27 % de perte dans les produits de la mer entre la débarque et la consommation, chiffre la FAO. Ce gaspillage alimentaire s’effectue notamment en centrale d’achat et chez le distributeur. Celui-ci teste au hasard un échantillon et si sa qualité est altérée, tout le lot est jeté. Le projet Terafood vise à incorporer une micropuce dans chaque emballage pour détecter la détérioration du produit, à tout moment, de façon non destructive. Car ouvrir l’emballage détruit l’atmosphère de conservation. « Ainsi, on ne jettera que ce qui est vraiment détérioré », se réjouit Mattias Verstuyft, en doctorat au Photonics Research Group à la faculté de Gand (Belgique). Cet emballage intelligent utilise la technologie des ondes térahertz.

Elle est complexe, d’où le bien nommé colloque « Térahertz pour les nuls » organisé à Villeneuve-d’Ascq, dans le Nord, en décembre, avec le pôle Aquimer. En avant pour un « son et lumière » ! Un capteur compact photo-acoustique, micropuce au silicium, placé dans l’emballage, détecte des ondes électromagnétiques générées par des molécules (composés organiques volatils) révélatrices de la détérioration des aliments, comme le sulfure d’hydrogène (H2S). Ces ondes de pression aux fréquences térahertz sont comme de la lumière à très basse énergie, ou encore comme des ondes radio à très haute fréquence, donc du son. Un radar, source extérieure d’ondes térahertz, est utilisé et la façon dont les gaz absorbent ces ondes constitue leur signature. Le capteur dans l’emballage est passif mais par un jeu de cavités optique et acoustique, il améliore le signal ensuite lu à l’extérieur par une sorte de spectroscope, ou microphone : un laser doppler vibromètre (LDV). Le matériau d’emballage généralement utilisé pour les aliments est transparent aux ondes térahertz. Le job de Mattias Verstuyft est donc de mettre au point les puces. « Nous amplifions le signal trois fois. » Il faut en concevoir une pour chaque gaz recherché.

La technologie des capteurs dans les fréquences térahertz a bien progressé. Désormais la spectroscopie térahertz haute résolution permet la détection de gaz traces. « Nous développons une micropuce bon marché. » Sa taille : 0,2 sur 3 mm, et avec la structure, 1 cm sur 2. « Elle reviendra à moins de 10 centimes. » De même pour la source térahertz et le LDV : « On évolue vite de machines grandes et chères vers des outils portatifs peu coûteux. » Le chercheur espère que l’industrie s’emparera des brevets. « Le système sera directement employable dans les centres de distribution. » Prévu pour tout type de nourriture, il est testé sur le saumon atlantique, les moules et les carottes. « Sur le poisson, le plus cher, c’est vraiment intéressant pour l’industrie et les distributeurs de sauver 5 à 10 % des produits jetés. »

À terme, une application directement chez le consommateur est envisageable. Près de la moitié de la nourriture gaspillée l’est une fois arrivée chez le client final. Les DLC, très prudentes, incluent une bonne marge de sécurité. Alors ce pavé de saumon en barquette à la date de péremption dépassée, bon ou pas bon ? « Vous ouvrez et sentez », recommande déjà Mattias Verstuyft. Mais des personnes ont un mauvais odorat ou manquent de confiance en leur nez. Cela nécessite encore du développement mais demain, le consommateur pourra confier ce contrôle à une puce, prédit le chercheur. Qui rappelle avant tout le bon sens : des courses raisonnables pour ne rien laisser traîner au frigo, et le test olfactif, impossible en industrie sur des produits emballés. « Le gaspillage alimentaire coûte 600 milliards d’euros par an à l’économie mondiale, représente 30 % de toute l’eau consommée et 8 % de tous les gaz à effet de serre », argumente le chercheur.

Solène LE ROUX

 

 

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