Le boom de la vente de surgelés n’a pas profité à tous les circuits ni à toutes les enseignes. Drives, freezer centers et proximité ont surperformé. Hard discount et grands hypers, eux, ont souffert.
« Pour vivre heureux, vivons cachés. » La devise colle bien aux enseignes de freezer centers, experts en bouche cousue quand il s’agit de parler à la presse. On aurait pu penser que leurs très bonnes performances en 2020 les auraient incité à prendre la parole. Il n’en est rien. À défaut de commentaires, restent donc les chiffres. Et ils sont éloquents sur les produits de la mer : +17 % pour Picard, le leader, et +23 % pour Thiriet, son challenger. Les données détaillées de Kantar Worldpanel permettent de comprendre les raisons de ce succès. Les deux enseignes sont restées quasi stables au niveau de la fréquence d’achat. Leur taux de pénétration a progressé de 8 %.
En fait, c’est surtout l’augmentation des budgets d’achat, désormais à quasiment 50 euros de produits de la mer par client et par an, qui expliquent leurs performances sur l’année écoulée. Cela tient en particulier à la typologie de clientèle de cesmagasins spécialisés situés généralement en zones urbaines : des ménages plutôt aisés et plutôt âgés. Au global, l’ensemble des enseignes de freezer centers réalise 28,4 % des ventes de produits de la mer surgelés dans l’Hexagone. Le chiffre serait même supérieur sans les difficultés structurelles de Toupargel depuis 2019 dont la part de marché ne cesse de s’éroder. Le succès du circuit incite un nombre croissant de fournisseurs à s’y intéresser. Notamment ceux qui ne peuvent plus travailler avec la restauration hors foyer. Chez Amiets Seafood, Florian Coupel est en particulier convaincu que les freezer centers ont une carte à jouer pour valoriser une offre de coquillages : « Regardez le succès des moules de bouchot entières précuites en sachet 800 grammes chez Thiriet. » Et le fournisseur de se projeter sur les pieds de couteaux, une espèce à laquelle il croit beaucoup, en particulier en raison de son prix stable et attractif, à moins de 4 €/kg.
Focalisé lui aussi sur une offre à marque propre, le hard discount a connu une année à l’opposé de celle des freezer centers. Aldi, Lidl et consorts ont terminé 2020 avec unchiffre d’affaires sur les produits de la mer surgelés en chute de 14,4 %. La faute, sans doute, à des assortiments limités tandis que les Français étaient en recherche de choix et de variété. Conséquence : la part de marché des maxidiscompteurs sur la catégorie n’est plus que de 9,2 % en valeur. Du côté des distributeurs généralistes, là aussi, la situation est contrastée. Le premier élément à noter est évidemment l’explosion des ventes dans les drives. Les quelque 5 000 points de retraits hexagonaux, essentiellement des pistes autos, mais aussi quelques centaines de drives piétons ou de casiers, ont enregistré des ventes de produits de la mer surgelés en hausse de 58 %, soit désormais 6,9 % de part de marché. La tendance en faveur du drive était déjà présente depuis plusieurs années mais la crise du Covid lui a clairement donné un extraordinaire coup d’accélérateur.
La plupart des observateurs s’accordent en outre sur le fait que nombre de consommateurs qui ont découvert le drive pour ses vertus « sanitaires » ont également apprécié ses atouts de praticité et de rapidité. Selon Kantar, le taux de pénétration de l’e-commerce alimentaire atteint désormais 13,5 %, soit 4,5 points grappillés en deux ans. Les enseignes de proximité, comme d’ailleurs les poissonneries indépendantes au passage, ont bien tiré leur épingle du jeu au cours de l’année 2020. Leurs ventes de produits de la mer surgelés ont progressé de 25 %, ce qui leur confère désormais 4,9 % de parts de marché. Tout s’est passé comme si les Français, restant davantage à la maison, avec beaucoup moins de trajet domicile-travail, avaient redécouvert les petits commerces près de chez eux. Le même phénomène rejaillit évidemment sur les hypermarchés. Les plus grands d’entre eux ont été à la peine, non seulement en raison de leur implantation, souvent au coeur de grandes zones commerciales, mais aussi de la fermeture temporaire des rayons non-essentiels. Cette mesure a réduit significativement leur attractivité à la fin de l’automne, une période qui leur est traditionnellement très favorable. Au sein du groupe Auchan, par exemple, les 136 hypermarchés (10 300 m² de surface moyenne par magasin, record national) ont dû se contenter d’un maigre +2,9 % sur les produits de la mer surgelés. Alors que dans le même temps, les 276 supermarchés du groupe affichaient un flatteur +17 % sur le même périmètre.
Bertrand GOBIN
Retrouvez l’intégralité du dossier surgelé dans le PDM 206 d’avril-mai (5 pages), et sur ce site, en accès abonné.